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B i o g r a p h y |
Précurseur
affûté d’un genre qui fait école depuis une
dizaine d’année, le mariage fécond du Jazz
authentique et des musiques africaines traditionnelles et modernes,
Etienne Mbappé et son Misiya posent une étape
supplémentaire à un actif musical fourni à
suffisance. Celui qui ne dédaigne pas la virtuosité du
bassiste et désormais la chaleur du chanteur confiait à
Afrikara sur le ton humoristique, le feu incandescent de son Programme
de Développement Musical Durable…
Etienne Mbappé fait
partie d’une race entièrement à part dans le
microcosme des éminents musiciens à registre mondialement
défendable, même si cela ne se sait pas forcément.
Plutôt savamment lettré en matière musicale pour
cause de conservatoire, d’études de guitare classique, de
contrebasse et de basse électrique son instrument de
prédilection et… d’excellence, le musicien
camerounais est de ceux qui ne simplifient guère la tâche
aux classificateurs.
Si ses collaborations avec les Joe Zawinul, Ray Charles ou Dee Dee
Bridgewater en feraient un pur jazzeux que son passage comme directeur
de l’Orchestre National de Jazz ne démentirait pas tout
à fait…, le bassiste s’est offert d’autres
cordes à son cursus. N’a-t-il pas accompagné, entre
ceux que l’on oubli les Jean-Jacques Higelin, Michel Jonasz,
Liane Foly, Claude Nougaro ou Catherine Lara, se taillant une
réputation de plomb dans la variété
française ? Pour autant les séances de studio,
tournées, et fréquentations musicales avec les dinosaures
africains typés World, Salif Keïta, Manu Dibango,
Touré Kunda réfutent l’enfermement de Mbappé
dans un genre hors Afrique, lui qui depuis les années 90
s’est fait plus présent dans la variété
africaine et le Makossa camerounais.
Les incontestables talents d’accompagnateurs du pionnier des
jazz-bassistes chanteurs de l’école internationale de
Basse made in Cameroun [Richard Bona, Sabal Lecco, André Manga,
Guy Nsangue, Noël Ekwabi, Noël Assolo,…] ne
l’ont pas dissuadé de parvenir à se hisser au rang
du fin compositeur qu’il est devenu. L’occasion offerte par
le groupe de French Jazz Fusion des années 90 dont il fut un des
membres fondateurs, Ultramarine, de proposer son écriture
musicale propre dans un jazz avide de colorations tropicales fut
transformée au-delà des attentes.
Inaugurant ainsi la rencontre directe entre thématique,
expression structurelles jazz et fond musical sawa -Douala, Cameroun-,
Etienne Mbappé a trouvé dans le métissage du rendu
Ultramarine, une expérience totale de perfectionnement et de
dépassement qu’il poursuit avec la formation parente Chic Hot.
Resté un tantinet confiné aux cercles
d’initiés de la fusion jazz ou plutôt à
l’étroit chaque jour un peu plus en sideman
précieux, Mbappé, alchimiste et expérimentateur de
mille solutions harmoniques, de variations «touristiques»,
mixeur-importateur de sensibilités instrumentales nouvelles,
avait besoin de franchir un cap. Misiya [O+, 2004] s’imposa donc
comme une étape ultime qui devait ouvrir à un chemin
nouveau, plus grand public, somme des années antérieures
pléthoriques en arrangements, formations, répertoires. La
nécessité d’une synthèse inclusive et
d’un saut en maturité et en univers novateurs s’est
invitée à cet album, premier en solo, qui a jeté
des bases fraîches sans dénaturer le
phénomène, mais avec force secousses ! Heureusement, il
n’a pas pris le sentier facile d’une simple vulgarisation
d’un répertoire fusion ésotérique,
décliné pour une cible plus large. Cet album bercé
à la douce température d’une voix grave,
chaleureuse et jamais intrusive est doté de sa
personnalité propre, loin de la démonstration
instrumentale. Un avatar digne de l’antériorité des
grades chèrement gagnés depuis deux décennies par
sieur Mbappé.
Les qualificatifs se marchent les uns sur les autres entre opus
ethno-pop à l’Africaine, Pop-Afro, World Music, Funk-Jazz
Sawa enracinée, etc., ce qui traduit bien la richesse musicale
plurielle dont recèle la myriade Misiya. Arrangements aux
senteurs funk, free, jazz, des fondations bolobo, essewe, makossa,
enrobées d’un son pop relevé à la guitare
tantôt saturée tantôt hispanisante, ouvrant le
débat à toutes les oreilles bien portantes. Etienne
Mbappé n’a pas refréné sa boulimie de
savantes et déroutantes alliances, agréables et
inventives dans un luxe éprouvé de sophistications. Le
quintet compose l’ossature d’un ensemble qui sait
s’enrichir d’un violon arabo-andalou, d’un steel
drums, soutenu par un collectif de cordes finement brodé par les
soins de l’artiste musicien.
Quand on a décidé d’innover ne faut-il pas boire
la coupe jusqu’à la lie ? Misiya inaugure une
écriture duala [langue de la côte camerounaise]
éminemment poétique, s’apparentant à des
odes qui crient les douleurs ou les joies, les amours d’une
âme qui se retourne affectueusement vers des racines dont elle
dépeint aussi les lendemains inédits. Assonances, rimes,
rythme et diction renvoient à une attention rien moins
méticuleuse dans ce premier album où les
métaphores, proverbes et expressions idiomatiques sawa prennent
place comme dans un recueil échappé à
l’oubli empoussiéré du temps fugitif.
Alors que cet opus a commencé à faire des adeptes, et
que des vivats s’élèvent et pour le bassiste et
pour le compositeur-interprète-chanteur, pour l’artiste en
résumé, une prochaine mouture est déjà dans
les fours en cours préparation. D’ici là il
n’y aura pas trop de mesures d’écoute gourmande de
l’opus fondateur de Mbappé
II.
Ze Belinga
A l b u m s |